
Il y a un mois, on vous souhaitait de la joie militante pour la nouvelle année. Ce début 2025 nous a montré qu’on en aura bien besoin.
Dès son investiture, Trump a signé de nombreux décrets réduisant les droits des personnes minorisées et principalement des personnes LGBTQIA+, soutenu par sa bande de broligarques : Zuckerberg autorise désormais de dire que les LGBTQIA+ sont des “malades mentaux” et les femmes des “objets ménagers” sur les réseaux sociaux de Méta ; le site gouvernemental étatsunien qui donnait des informations sur les droits reproductifs (notamment l’accès à l’IVG mais aussi des informations sur le VIH) a été supprimé ; les droits des personnes trans ont directement été ciblés et diminués par Trump ; il est possible que les relations homosexuelles soient interdites dans 12 États américains ; Méta masque les posts des fournisseurs de pilules abortives et suspend leurs comptes, Amazon supprime “l’équité pour les noirs et les droits LGBTQIA+” des politiques d’entreprise, etc.
Au même moment, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) vient de publier son rapport annuel sur l’état du sexisme en France et c’est pas très enthousiasmant. On vous en parle plus longuement ci-dessous.
Au milieu de ce tourbillon de nouvelles terrifiantes, on a quand même deux nouvelles positives à vous partager : on a reçu une bourse Mycélium (youpie !) et on a mis à jour la partie “ressources” de notre site internet pour rendre plus simple la navigation maintenant qu’il commence à y en avoir… beaucoup ^^ (youpie bis !)
Au programme
Le rapport du Haut Conseil à l’Egalité (HCE)
Retour sur nos activités de janvier
Nos prochains événements
Des recommandations
# Le rapport du Haut Conseil à l'Égalité (HCE)
Le Haut Conseil à l'Egalité (HCE) vient de publier son rapport annuel sur l'état du sexisme en France. Une fois de plus, on vous partage des statistiques françaises parce qu’en Belgique, on en manque cruellement. On lit dans ce rapport : « Les discours sexistes et masculinistes ont gagné en visibilité, notamment dans les médias et les discours politiques. Si les enjeux d’inégalités sont de plus en plus traités dans les médias, les femmes restent invisibilisées et les propos sexistes trop coutumiers, trop peu contrôlés et trop peu contredits. » Ce rapport considère également que « le procès des viols de Mazan a bousculé la société, entre prise de conscience accrue du sexisme systémique d’un côté, et la lente introspection masculine de l’autre. Les violences sexistes et sexuelles perdurent et sont même déclarées en hausse, et le travail, la politique et la vie de famille restent les sphères privilégiées de ce sexisme. ». Enfin, le HCE estime que « les femmes sont plus féministes, et les hommes plus masculinistes, surtout les jeunes ». « Parler de “polarisation”, c’est mettre les idées féministes et masculinistes dos à dos, comme des idéologies égales. Or, ce n’est pas le cas », souligne très justement la journaliste Pauline Ferrari, puisque « le masculinisme tue. Le féminisme lutte pour l’égalité ». Ça, c’est pour les grandes tendances.
On vous partage ici quelques chiffres, en vrac. On vous encourage vraiment à prendre le temps d’aller le lire plus en détail.
Le sexisme perdure puisque 86% des femmes déclarent avoir déjà vécu une situation à caractère sexiste. L’un des chiffres les plus marquants, c’est celui des 94% de femmes de 15 à 24 ans qui estiment qu’il est plus difficile d’être une femme aujourd’hui, soit 14% de plus qu’en 2023, quand seulement 67% des hommes de 15-24 ans le pensent (+8%). Par ailleurs, 13% des hommes pensent qu’il est plus difficile d’être un homme qu’une femme. Et 45% des hommes de moins de 35 ans considèrent qu’il est difficile d’être un homme dans la société actuelle.
Une remarque ou une blague sexiste est dérangeante pour 3 femmes sur 4 mais seulement pour 1 homme sur 2.
32 % des hommes s’inquiètent souvent d’avoir fait une remarque ou eu un comportement sexiste.
« Pour 65% des Français·es, l’affaire Mazan illustre le fait qu’en matière de violences sexistes et sexuelles, tous les hommes portent une part de responsabilité et/ou de culpabilité. Ainsi, plus de 9 Français·es sur 10 considèrent que les hommes ont un rôle à jouer dans la prévention et la lutte contre le sexisme. » Et, en même temps, 73% des hommes estiment qu’on généralise en considérant que tous les hommes sont sexistes ; 56% qu’il n’est plus possible de séduire une femme sans être vu comme sexiste ; et 42% estiment qu’on s’acharne contre les hommes - de quoi relativiser, donc.
Un point qui a relevé notre attention est que 87% des hommes estiment dérangeant qu’une femme soit sifflée dans la rue mais ils sont moins nombreux (78%) à trouver dérangeant un homme qui insiste pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe. Et là, on se retrouve limité·es par l’aspect quantitatif : qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce que ces hommes considèrent ça plus grave parce qu’il s’agirait d’inconnus ? Est-ce que ça aurait à voir avec un imaginaire raciste et classiste (comprenez : les hommes qui sifflent les femmes dans la rue sont des personnes mal élevées et probablement des étrangers) ? Est-ce parce qu’il existe encore un devoir conjugal dans la tête de ces hommes ? On ne le saura pas.
Concernant l’intimité et la sexualité, le rapport identifie « une zone de tension » : 1 femme sur 3 indique avoir déjà eu un rapport sexuel alors qu’elle n’en avait pas envie devant l’insistance de son partenaire (ce que 13% des hommes reconnaissent avoir pu faire) et 15% indiquent avoir déjà eu un rapport sexuel non protégé devant l’insistance de son partenaire (une situation marginale du point de vue des hommes, seuls 2 à 3% d’entre eux reconnaissant avoir pu refuser de mettre un préservatif ou l’enlever sans le consentement de leur conjointe).
# Retour sur nos activités de janvier
La mensuelle de janvier : Masculinités et thérapie
Le 14 janvier, on se proposait de discuter de comment les hommes prennent soin (ou pas) de leur santé mentale. On avait déjà parlé du rapport entre masculinité et prise de risque, y compris le fait que les hommes ont tendance à moins aller consulter des professionnels de la santé lorsqu’ils sont blessés ou malades. L’objectif de cette mensuelle n’était pas de parler exclusivement du choix d’aller consulter un·e psy, mais était plus global et concernait “le thérapeutique”, dans le sens de ce qui guérit, soulage ou permet de mieux appréhender les choses.
On se demandait : De quels outils disposent les hommes pour prendre soin de leur vie intérieure ? Où se mettent-ils au travail d’eux-mêmes ? Où apprennent-ils à identifier et à aborder leur mal-être, leurs émotions, leurs questions profondes ? Si les amitiés entre hommes sont rarement des espaces de vulnérabilité et de travail sur soi, où est-ce que ce travail a lieu ?
On a proposé un petit exercice en introduction pour aider à se situer, dans la même ambiance que “check tes privilèges” : à chaque fois qu’une de ces phrases est vraie pour vous, comptez 1.
J’arrive relativement facilement à identifier ce qu’il se passe en moi-même quand je ne vais pas bien.
J’ai déjà regardé sur YouTube (ou une autre plateforme) des ressources qui concernent des trucs sur lesquels je me sens en difficulté.
(Par exemple : l’anxiété, les traumas, les neurodivergences, comment gérer telle émotion, conseils pour mieux communiquer dans des relations, …. /!\ Les coachs en séduction ne comptent pas !)
Je sais ce dont j’ai besoin quand je ne vais pas bien.
J’ai déjà tenu un journal intime, où je parle de ce qui me traverse.
(Pas genre une fois sur un coin de table, mais de façon un peu consistante.)
J’ai une conversation approfondie avec un·e proche (/!\ avec qui je ne suis pas en couple) à propos de comment je me sens, de ce que je traverse, au moins une fois par mois.
Je vais chez le psy quand j’en ai besoin.
(J’ai déjà été à plus de 3 séances.)
J’ai déjà acheté (moi-même !) un livre de développement personnel.
(Mettez ce que vous trouvez pertinent dans cette catégorie, pour peu que ça donne des clés pour comprendre son fonctionnement intérieur, ses émotions, les relations ou autre.)
J’ai mis en place dans mon quotidien des rituels qui me font du bien.
À cela on a ajouté une phrase qui ne s’appliquait qu’aux personnes qui ont été socialisées comme des hommes. Celle-ci fait soustraire un point :
Des femmes de mon entourage font régulièrement du travail émotionnel gratuit pour moi sans que je m’en rende compte (sur le moment-même).
On a pris le temps de discuter un peu de ce qu’on pensait de notre score, de pourquoi les choses étaient comme elles étaient et éventuellement d'où venaient certaines pratiques qu’on avait adoptées. Plusieurs participants admettent sans difficulté que s’ils peuvent cocher certaines cases aujourd’hui, c’est clairement grâce à l’influence de leurs copines successives. « Moi, les neurodivergences, je savais pas du tout que ça existait avant que ma compagne m’en parle », confie quelqu’un. Comment se fait-il que les femmes soient mieux informées sur ce genre de choses ? Pourquoi les hommes investissent-ils si peu leur vie intérieure ? Une piste de réponse, peut-être : ne pas vivre ses émotions est une manière d’avoir le pouvoir dans de nombreuses situations. Les émotions sont ce qui nous connecte, à nous-même, aux autres. En étant coupés d’elles, les hommes apprennent à devenir des agents capables de violence, sur eux-mêmes, sur autrui. (Pour en savoir plus sur ce rapport entre masculinités et déconnexion, on vous conseille de lire Carol Gilligan et bell hooks).
La mensuelle s’est déroulée de façon douce, assez intime. Peut-être pouvions-nous sentir une ambiance plus feutrée que d’habitude, simplement à cause des intonations de voix, plus calmes et plus lentes. Une qualité d’écoute, une envie d’être présent·es. Les discussions allaient de “identifier les stratégies que l’on développe pour ne pas prendre soin de soi” à “Comment convaincre les autres hommes de la nécessité de faire ce travail sur soi pour ne pas reposer systématiquement sur leur entourage ?” en passant par “Quels outils peut-on mettre en place, très concrètement, dans notre quotidien, pour avoir une meilleure vue sur nous-mêmes, ce qui nous traverse, sur nos besoins ?” ou encore “Comment avancer dans un travail thérapeutique quand on a fait du fait de ne pas exprimer ses émotions quelque chose d’identitaire ?”. Quelques participant·es se sont échangés des tips pour commencer un travail thérapeutique (ce zine en propose par ailleurs) ou trouver un·e thérapeute qui convient à ses besoins.
À la fin de l’activité, des participants se disaient touchés d’avoir senti beaucoup de profondeur, d’autres se sentaient encouragés parce qu’ils avaient pu entendre quantités d’expériences personnelles et de chemins pour se comprendre. « Beaucoup de choses ont fait mouche sur ma vie à moi et… c’est rassurant. »
Un participant nous partageait comme retour à la fin de l’activité ce message : « On peut être vraiment content·e·s de ce qu’il s’est passé ce soir à la mensuelle. Qu'on ait atteint ou non le niveau de réflexion espéré ou la compréhension précise de certains enjeux, il me semble important de souligner qu'on a réussi quelque chose ce soir quand plusieurs hommes disent se sentir “contents/chanceux d'avoir eu accès à de la profondeur”, ce que je lirai comme ”de l'intime et de la découverte de l'autre”. Pour moi, les mensuelles c'est aussi ça. Donner accès à des espaces de vulnérabilité et (d'une forme) d'honnêteté à des hommes, qu'ils pourront alimenter aussi. Alors certes ça ne suffira pas à changer le monde (notamment si ça reste qu'à LBP) mais ça agrandit néanmoins la fenêtre par laquelle ils peuvent voir et ressentir le monde. Donc bravo ! »
Voici en vrac quelques opinions ou idées énoncées lors de la soirée qui peuvent inciter à la réflexion :
« J’ai remarqué que les hommes pouvaient se montrer très critiques sur les outils à disposition pour faire du travail sur eux-mêmes. C’est comme une résistance : ce travail leur semble peut-être tellement grand, tellement décourageant, que ça n’en vaudrait pas la peine de s’y mettre avec un outil qui n’est pas parfait. Mais du coup ils procrastinent, ils n’avancent pas. Les femmes, j’ai l’impression, se montrent moins exigeantes : elles se saisissent d’outils qui ne sont peut-être pas parfaits, mais ils font le taf et elles avancent. »
« Je suis convaincue que la thérapie (chez un·e psy) n’est pas assez puissante que pour aller à l’encontre d’une vie de socialisation masculine, si on prend en compte la déconnexion à soi qu’elle engendre et l’expression des émotions diminuée. Dommage. »
« Si une personne érige un mur et qu’on choisit de casser ce mur, on doit être prêt à ramasser les morceaux après. »
« La faiblesse et la fragilité, c’est difficile à ressentir et à accepter. Mais l’accepter permet plus facilement d’entamer un travail. » Dans la même veine : « Avant de se réparer, il faut s’accepter comme cassé. »
Il semblerait que les femmes aient tendance à être beaucoup plus dans la méta-cognition (c’est-à-dire penser pourquoi elles pensent ceci ou cela). Comment les hommes peuvent-ils être si aveugles à l’influence de leurs schémas familiaux sur leurs fonctionnements ? À leurs propres patterns relationnels (amoureux par exemple) ?
« Faut pas idéaliser les relations entre femmes. C’est pas que parce qu’on est des hommes que ça foire, c’est aussi parce qu’on choisit d’être des connards. » (On ne se souvient plus exactement du contexte, mais elle est marrante alors on la garde 😛)
Focus : En avant vers le 8 mars !
Nous étions 30 personnes présentes, ce mercredi 22 janvier au centre communautaire Elzenhof, ce qui était plus que ce qu’on s’était autorisé à espérer. Généralement, les activités ayant une visée plus explicitement politique attirent moins de public que les activités où il s’agit de s’explorer soi. C’était donc une belle surprise d’avoir une salle bien remplie !
En faisant un rapide tour pour savoir ce qui amenait chacun à être là, plusieurs personnes ont dit qu’elles auraient envie de s’impliquer auprès du 8 mars mais qu’elles avaient peur d’être maladroites, qu’elles sentaient qu’elles avaient besoin de mieux s’informer, de mieux comprendre les enjeux notamment autour de la non-mixité féminine*. Certains étaient là parce qu’ils admettaient ne pas connaître grand chose à l’histoire du 8 mars comme date de mobilisation féministe. Certains avaient déjà été impliqués comme bénévoles pour le 8 mars ; certains avaient un bagage militant sur d’autres thématiques, certains n’en avaient pas du tout.
Dans un premier temps, nous avons parcouru l’historique autour de la date du 8 mars et des grèves féministes. De la grève des ouvrières revendiquant « Pain, paix et liberté ! » le 8 mars 1917 (le premier jour de la révolution russe) à Ni Una Menos, le mouvement argentin qui remet le feu aux poudres en 2017, montrant l’intersectionnalité des revendications du mouvement ainsi que l’articulation parfois heureuse, parfois manquée avec les syndicats du mouvement ouvrier.
« [Les femmes qui se mettent en grève] ne sont pas souvent soutenues par les syndicats qui sont des bastions masculins », explique Chiara Filoni à la RTBF. Déjà à l’époque de Clara Zetkin, le choix de la non-mixité n’était pas une préférence mais une nécessité : ce n’est qu’après avoir essayé de participer aux luttes ouvrières en y faisant exister leurs enjeux spécifiques que les femmes ont commencé à s’organiser entre elles, car les syndicats ouvriers n'ont pas voulu faire de la place pour leurs revendications. C'est dommage parce qu'au fond, certaines revendications étaient communes : la fin de l'exploitation capitaliste, de meilleures conditions de travail, davantage de droits pour les plus précaires, l’accès pour toustes aux conditions minimales pour une vie digne (des denrées alimentaires, des soins médicaux, par exemple), etc. Cette articulation difficile entre collectifs féministes et syndicats se rejoue encore aujourd'hui dans les négociations autour de la possibilité d'organiser en mars une grève conjointe entre le Collecti·e·f 8 maars et les syndicats organisateurs des grèves contre l'Arizona tous les 13 du mois en Belgique. On vous partage un exemple d’une grève organisée en 1975, en Belgique, par les femmes nettoyeuses de l’UCLouvain qui ont mis leur patron à la porte et ont créé la coopérative autogérée du Balais Libéré !
Dans un deuxième temps, nous avons parlé de grève féministe et de lutte en non-mixité féminine aujourd’hui. C’était une partie où la prise de parole était plus incarnée, plutôt de l’ordre du témoignage et porteuse de voix multiples. Qu’est-ce que ça fait, de prendre la rue avec des milliers de femmes ? Rachel a partagé son expérience : « Avant j’étais assez impliquée dans des espaces en non-mixité choisie. Mais il faut se rendre compte : pendant des années, dès qu’on se retrouvait en non-mixité féminine, quelqu’un finissait toujours par y déposer une expérience de violence. Il fallait que ça sorte, on avait besoin collectivement d’apprendre à mettre des mots sur nos vécus traumatiques et ces espaces étaient des espaces d’écoute, de soin, de sororité radicales. Mais c’était lourd. C’était beaucoup de larmes. C’était aussi une fatigue de toujours creuser plus loin dans les couches de violences subies, toujours un peu à la limite de ce qu’on peut encore tenir ensemble. Le 8 mars 2019 a été ma première expérience de non-mixité joyeuse. On a monté une batucada en non-mixité, tout le monde avait des panneaux, des foulards, du maquillage, un énergie folle. Durant la manif, le cortège a débordé sur une rue parallèle à cause d’un goulot d’étranglement et notre grand nombre. Nous avons déferlé rue du Trône en marchant au milieu des voitures immobilisées de fait. Je me souviens regarder partout autour de moi et ne voir que des femmes. Et penser que nous étions puissantes, que nous étions nombreuses. C’était vraiment important de vivre cette joie militante, parce que notre quotidien ne ressemblait pas à ça. »
On a écouté un extrait du podcast À nos joies féministes de Charlotte Bienaimé. L’occasion de se rappeler aussi qu’il y a une vigueur, une rage, un feu qui sort lors de manifestations féministes qui peut impressionner lorsqu’on a l’habitude que les minorités polissent leur discours à notre contact. « Pour moi le 8 mars c’est : on lâche les chiens ! » partage une participante. L’extrait (de 28:18 à 34:14) met aussi en lumière le travail immense que c’est de mettre autour de la table des personnes touchées par différentes oppressions et de faire émerger des revendications communes. C’est un travail que le Collecti·e·f 8 maars fait encore aujourd’hui et cela demande beaucoup de temps et une énergie folle. La résultante de ça, c’est qu’elles décident de s’organiser en non-mixité. Elles invitent néanmoins les hommes à soutenir la grève (/!\ attention, ce lien date de 2020) et ont même émis un document à leur attention : Les 9 commandements des hommes alliés à la grève du 8 mars.
« Aucun sujet n’a été aussi coûteux pour le collectif que le sujet des hommes », témoignait il y a plusieurs semaines une de ses membres. Il y a quelques années, le collectif a explosé à cause de l’implication d’un homme dans l’organisation des garderies. Il faut se rendre compte du prix que cela peut représenter pour des collectifs féministes de placer leur confiance dans des hommes. Tout ça peut sembler très intimidant, particulièrement pour ceux qui disaient d'entrée qu’ils avaient peur d’être maladroits, de commettre des impairs. Mais voici deux idées à garder en tête :
La plupart des féministes ne rejettent pas les hommes de façon catégorique, elles ont juste l’habitude d’être déçues. Et vraiment, la barre est basse. Faire preuve d’un minimum de fiabilité et de bonne volonté est déjà, dans la majorité des cas, terriblement plus que ce qu’on s’autorise à espérer.
Il est très légitime d’avoir peur de faire des bourdes quand on cherche à devenir un soutien aux luttes féministes. Il y a tellement de manières dont nos privilèges nous rattrapent pour retourner la situation à notre avantage, ça nous dispense de faire de vrais efforts. Mais ce n’est qu’une raison de plus de générer une énergie et une vigilance collectives. Mettre un peu de côté son ego et accepter qu’on est plus pertinents à plusieurs que seul. « Plantons-nous collectivement et apprenons de nos erreurs ! »
Des gars qui avaient déjà été bénévoles pour le 8 mars ont partagé leur expérience. On a eu un temps de discussion par petits groupes. À la fin de la soirée, plusieurs personnes ont partagé en débrief qu’elles avaient traversé beaucoup d’émotions et été confrontées à beaucoup de perspectives ou d’informations nouvelles qui se bousculaient dans leur tête. « C’était super stimulant, j’ai beaucoup de choses à digérer en rentrant chez moi. » Quelqu’un d’autre : « Je me sens enthousiaste, j’ai envie d’être volontaire pour soutenir le 8 mars, mais je me sens stressé aussi parce que lucide. » Mais aussi : « Le travail qui a été fait ici a répondu aux angoisses que j’avais en venant. » Ou encore : « Je suis arrivé avec beaucoup de doutes, je repars avec moins de doutes et l’envie de me mettre un coup de pied au cul : c’est ok de se tromper. » D’autres personnes étaient moins enthousiastes voire un peu frustrées parce que l’objectif de la soirée ne leur avait pas semblé assez clair : elles s'attendaient à davantage de concret.
Durant l’activité, un participant a partagé une histoire touchante en lien avec sa grand-mère de plus de 90 ans : une année, elle a vu au journal télé dans sa maison de repos qu’une grande manifestation s’organisait pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Elle et sa voisine de chambre ont décidé qu’elles devaient en être, sinon elles arrêtaient de se nourrir ! Le participant et son frère sont allés le jour J chercher leur grand-mère et sa copine en chaises roulantes, les ont fait s’échapper de leur maison de repos et ont participé à la manifestation. Quand ils ont ramené les deux vieilles, le personnel médical n’était pas très content (on leur a expliqué qu’il y avait des procédures pour ça et que s’ils avaient prévenu, ils auraient été déposé·es en camionnette par exemple). Mais c’était la fête dans la maison de repos pendant plusieurs jours et sa grand-mère et sa copine étaient des héroïnes.
Il y a plein de manières de soutenir le 8 mars. Être bénévole pour la logistique et ou dans la garderie en est une. Proposer un stand de distribution de nourriture (gratuitement ou à prix libre) pendant la manif en est une autre. Réfléchir à comment s’organiser dans notre quotidien pour permettre à des personnes qui ne peuvent pas participer à la manif de se libérer pour y aller quand même, ou de faire grève quand même, en est encore une autre. D’ailleurs, lors de ce Focus, un groupe s’est constitué pour soutenir concrètement les mobilisations du 8 mars. Il se réunira en février. On vous en fera probablement un compte-rendu dans la prochaine newsletter !
Vous pouvez signer ici l’appel à la grève 2025 du Collecti·e·f 8 maars.
# Nos prochains événements
La mensuelle de février : Les multiples charges de l'amour
C’est une tradition : en février, on parle d’amour ! Cette fois, prenons un prisme féministe matérialiste : quelles charges existent dans les relations amoureuses ? Et sur qui reposent-elles ? Comment pouvons-nous rendre nos amours plus égalitaires ?
Si tu ne sais pas encore ce qu’est une mensuelle et que tu veux en savoir plus sur ce format, c’est par ici.
Infos pratiques
Quand ? Le mardi 11 février 2025
Ouverture des portes à 18h30, début de l’activité à 19h et fermeture à 22h.
Où ? À La Vieille Chéchette (2 rue du Monténégro - 1060 Saint-Gilles)
Pour qui ? Nous espérons que cette activité touche principalement des hommes. Si tu es intéressé·e et que tu n'es pas un homme, tu es lae bienvenu·e ! Mais c'est encore mieux si tu viens accompagné·e :)
Le nombre de places est limité : inscription via ce formulaire.
Prix libre et conscient
Événement Facebook
Chantier : Agressions #3
Fort·es heureux·ses de ces deux premiers chantiers, nous continuons à imaginer des espaces pour se former collectivement à mieux réagir et prendre en charge les situations de préjudices ou de conflits liés à des violences sexistes ou sexuelles. Pour la suite, on vous propose d’avancer en trois chapitres : 1/ les victimes, 2/ les agressaires, 3/ l’entourage. La dernière fois qu’on a annoncé un plan tout bien ficelé comme ça on n’est pas arrivé au bout, donc cette fois, considérons qu’il s’agit d’un horizon général.
Lors du dernier chantier, un groupe a relevé que les situations de violences étaient souvent plus complexes qu’il ne l’avait imaginé et qu’il était important de se familiariser davantage avec le vécu des victimes de façon à mieux les accompagner. Comment soutenir une victime ? Qu’est-ce que ça veut dire, “croire les victimes” lorsqu’elles peuvent avoir un récit gorgé de contradictions et de sexisme internalisé ? Peut-on aller à l’encontre des demandes que fait une victime lorsque l’on veut aussi lui redonner de l’autonomie en leur restituant la capacité de choisir ? Que faire quand une victime de violences défend son agressaire, ou lorsqu’elle dit n’être en colère que contre elle-même ?
Comme les autres fois, la soirée comportera des moments de travail en petits groupes et des moments de discussions collectives.
Objectifs des chantiers :
s’éduquer entre pair·es sur des questions complexes (partage de savoirs) ;
soutenir et apporter des ressources aux personnes qui cherchent à prendre une part active dans la gestion de conflits et la prise en charge de préjudices ;
former un groupe de travail pour rassembler les énergies qui sont déployées dans des espaces différents.
Nous n’ambitionnons pas de résoudre quoi que ce soit ni d’apporter des solutions toutes faites, mais bien de créer des espaces d’éducation, de réflexions, d’échanges, de travail collectif sur cette question devenue sujet de société.
Pour qui ?
Les activités de La Bonne Poire visent un public principalement masculin. Si tu n’es pas un homme mais que ça t’intéresse, tu es lae bienvenu·e ! Mais c’est encore mieux si tu viens accompagné·e 🙂
Plus précisément les activités autour du thème des agressions visent à donner de la visibilité à tout un travail de gestion de conflit, de prise en charge de préjudices et souvent de gestion de crise qui est réalisé dans des collectifs. On aimerait convier particulièrement les personnes qui :
se sont déjà impliquées et recherchent de la mise en commun et des ressources,
ne se sont jamais impliquées parce qu’elles ne sauraient pas quoi faire ou auraient peur de mal faire et ont besoin de se former.
Typiquement, les personnes sexisées ont tendance à être plus impliquées dans la prise en charge des violences sexuelles. On aimerait les inviter à venir avec une autre personne de leur cercle, afin de partager l’expérience, l’attention et le travail que cela représente.
Attention : il s’agit d’un espace de réflexion et de formation et non d’un espace de médiation victime-agressaire ou de justice réparatrice. Si vous êtes directement concerné·es présentement par une histoire d’agression ou de violence sexuelle et que vous cherchez du soutien, ceci n’est pas un endroit adapté.
Infos pratiques :
Quand ? Le mercredi 26 février 2025
Ouverture des portes à 18h30, début de l’activité à 19h et fermeture à 22h.
Où ? Au DK - 70b rue de Danemark - 1060 Saint-Gilles
Le nombre de places est limité : inscription via ce formulaire.
Prix libre et conscient
Événement Facebook
# Recommandations
Suite à la mensuelle
Le livre La santé mentale. Vers un bonheur sous contrôle de Mathieu Bellahsen (La Fabrique, 2014)
L’épisode “Que faire des hommes qui vont mal ?” du podcast Encore heureux (Binge Audio, 2024)
Le documentaire Dans le noir, les hommes pleurent de Sikou Niakate (2020)
L’épisode “Pourquoi la santé mentale des hommes est-elle taboue ?” de l’émission radio Question du soir : le débat (France culture, 2024)
Le livre Je ne serai plus psychiatre de Gérard Hof (Météores, 2023)
La brochure “Poser les bases pour commencer une thérapie” sur Infokiosques.
À propos du 8 mars
Le livre Je veux me battre partout où il y a de la vie de Clara Zetkin (Hors d’atteinte, 2021)
L’épisode “À nos joies féministes” de la chaîne Un podcast à soi, par Charlotte Bienaimé.
Les 9 commandements des hommes alliés, Collecti·e·f 8 maars, 2022.
L’article scientifique “Journée internationale des femmes : à la poursuite d’un mythe” par Françoise Picq (Travail, genre et sociétés, 3(1), 2000, p.161-168)
L’article “Le 8 mars : histoire centenaire et chaotique d’une date-clé pour la lutte des femmes” par Priscille Lafitte (France24, 2020)
L’article “Grèves des femmes : un outil d’émancipation à travers l’Histoire” par Camille Wernaers (RTBF, 2021)
L’article “Russie , 23 février 1917 : Les oubvrières en grève font naître la révolution” ; l’article “Cartographie des grèves des femmes : Vers une grève internationale féministe” de Mara Montanaro” ; et globalement tous les articles “Femmes en grève” sur le site de Révolution permanente
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