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Newsletter #25



Dans nos premières newsletters, on faisait un retour d'activité et une annonce d'événement, puis on avait le temps d’écrire un petit billet d’humeur pour accompagner ça. Aujourd’hui, on fait trois retours d’évènements et on en annonce deux autres pour le mois suivant, puis on rédige des trucs beaucoup plus longs parce qu’on a tellement de trucs à dire. On n’a pas le temps d’être soulagées d’envoyer une newsletter qu’on doit déjà penser à la suivante ! C’est court, un mois ^^


Au programme

  • Point presse

  • Retour sur nos activités de novembre

  • Nos prochains événements

  • Des recommandations



# Point presse

Depuis la rentrée, nous avons été contactées par plusieurs journalistes.


Le magazine belge féministe axelle a consacré son dernier numéro (novembre-décembre) aux masculinités. Rachel a été interviewée pour l’article “Paroles d’hommes qui soutiennent le féminisme” et Leila a été interviewée dans le podcast lié L’heure des éclaireuses (l’épisode n’est pas encore sorti) 🙂


Même si certains articles sont disponibles en accès libre sur leur site, on vous invite vivement à soutenir axelle en vous procurant un exemplaire et, pourquoi pas, en vous y abonnant ! Tous les lieux de vente sont disponibles sur leur site.


Leila a participé à l’émission L’Heure du Monde sur la RTBF pour parler de contraception masculine (plutôt avec sa casquette de chercheuse).


On a également été contactées par la revue Politique au sujet de la place des hommes dans la lutte féministe. On vous tient au courant quand ça sortira ! 




# Retour sur nos activités de novembre

La mensuelle de novembre : La honte doit changer de camp

Certaines mensuelles nous font aborder des sujets en apparence simples ou exaltants, desquels on a très envie de parler. D’autres sujets peuvent être plus ''challengeants'' et créer de l'inconfort. Souvent on est très conscient·es des différentes ambiances que cela va générer. Le but des mensuelles est moins spécifiquement d’avoir des conversations super chouettes avec d’autres participant·es que de s’entraîner à avoir des conversations importantes, à débloquer des clés pour avoir ces mêmes conversations peut-être plus tard, avec nos proches, ou dans des situations de la vie quotidienne. Se trouver dans une situation d’inconfort ou de difficulté dans le cadre sécurisant d’une mensuelle permet d’identifier ce qui nous travaille. Un participant disait, ce mois-ci : « C'est dans l'inconfort que j'ai l'impression de tenir quelque chose de juste, qu'il y a quelque chose qui se passe et auquel je dois y être attentif. »


Bref, le sujet de ce mois-ci était plutôt du côté de l’inconfort et de la difficulté. « La honte doit changer de camp ! » ; c’est une phrase qu’on entend régulièrement dans les contenus féministes et qui a été prononcée à l’ouverture du procès des viols de Mazan par Gisèle Pelicot lorsqu’elle a refusé le huis-clos. Ça nous tenait à cœur d’aborder ce thème dans le contexte particulier de cette affaire judiciaire. On a d’ailleurs commencé l’activité en réexpliquant un peu ce qui est en jeu avec ce procès et ce qu’il met en lumière. 


Souvent, dans des cas de violences sexuelles, la honte est du côté des victimes. Cela fait partie des mécanismes de la culture du viol, de culpabiliser les victimes et de construire l’immunité des violeurs. De nombreux articles ont tenté de présenter ce procès Pelicot comme le procès de la masculinité. Il générerait chez certains un sentiment de honte “d’appartenir à la classe des hommes”. Qu’en est-il ? On a pris le temps de définir un peu de quoi on parle quand on parle de honte. On dépose dans la partie “recommandations”, en bas de cette newsletter, quelques extraits qui nous ont fait réfléchir.


Lors de la mensuelle, on a essayé de parler de nos rapports intimes à la honte. On a essayé d’interroger où cette émotion pouvait être cachée, ce qu’elle pouvait cacher, si on parvenait à l’identifier en soi ou pas. C’était difficile, la honte étant par essence un sujet difficile à approcher et à partager. Voici quelques questions qui ont été discutés aux tables :


  • Apprendre à discerner entre honte, culpabilité et dégoût :  Quelle émotion est paralysante et laquelle permet de passer à l’action, de provoquer du changement ? Il semblerait que la honte nous “implique” dans une situation (elle traduit un “ça me concerne”) alors que le dégoût créer une distance, nous place à l’extérieur. Certains participants disaient ne pas être affectés par la honte, mais par une forme de dégoût pour les violeurs de Mazan. Comment ces émotions nous situent-elles vis-à-vis de ces faits ou personnes ? De la même manière, la culpabilité est souvent identifiée comme une émotion paralysante, qui génère un retournement sur soi-même. La honte peut aussi être un obstacle parfois : quelqu’un partage que lorsqu’il a pris conscience d’appartenir à la classe des hommes, il a eu honte et les femmes de son entourage lui ont dit que cela ne les aidait pas. Il est utile d’apprendre à identifier en soi à quelles conditions des émotions peuvent se présenter comme des moteurs ou comme des obstacles.


  • La honte est une émotion… ce qui signifie qu’on doit apprendre à l’identifier en nous. Comme les hommes sont globalement peu éduqués (voir activement découragés) à s’intéresser à leur vie intérieure, ressentir et identifier la honte peut être un défi. La honte peut être masquée par différentes autres émotions (comme la colère par exemple). Il faudrait se laisser affecter par les émotions en vue de les identifier, et pour ça, il serait nécessaire d’être connecté à son corps. On peut aussi se pencher sur tous les mécanismes créés entre hommes pour ne jamais ressentir la honte.


  • La honte se loge dans nos corps : Quelle place donner à nos corps honteux, comment apparaissent-ils dans la société après avoir été marqués par la honte ? Comment guérir de la honte ? Inspiration ici des minorités auxquelles on a inoculé la honte et qui tentent d’utiliser sur elle le dissolvant de la fierté (parfois à travers le retournement de stigmate). Mais la fierté est très différente lorsqu’elle est brandie par des classes dominantes.


On remercie toustes les participant·e·s de s’être prêtés à l’exercice. Les échanges étaient parfois plus laborieux qu’à d’autres mensuelles, mais se confronter à l’inconfort en valait la peine. 



Arpentage : La conversation des sexes. Philosophie du consentement de Manon Garcia

Le 20 novembre, nous avons arpenté dans le cadre chaleureux et confortable de l’Atelier TiPi, alors que la neige nous surprenait au dehors. C’était un très bel arpentage, riche, dense et sollicitant sur le plan émotionnel. Manon Garcia interroge, dans La conversation des sexes (2021), la notion de consentement avec toute la rigueur qu’on peut attendre d’une philosophe. 


Le terme soulève, selon elle, trois problèmes : 

  1. un problème juridique : Que faire pour que les cas de viols, d’agressions et de harcèlement sexuels soient efficacement punis ?

  2. un problème moral : Comment penser des relations amoureuses et sexuelles qui ne soient pas fondées sur des normes sociales sexistes et inégalitaires ?

  3. et un problème politique : Comment ne pas reconsidérer les injustices de genre qui se manifestent dans les rapports amoureux et sexuels ?


Ces problèmes liés au terme “consentement” viendraient selon elle de notre héritage culturel libéral. Le libéralisme a élaboré la notion de consentement en s’appuyant sur l’idée, en grande partie fictive, d’individus totalement libres de leurs choix, comme si aucune structure de domination n’existait pour les contraindre. John Stuart Mill, philosophe du libéralisme, considérait que la principale menace pour la liberté individuelle provenait de l’État. Selon lui, tout ce qui se déroule entre adultes consentants et pleinement responsables de leurs actes ne devrait pas être du ressort de l’État. Cette vision a profondément influencé l’idée selon laquelle la loi n’avait pas à intervenir dans la sphère privée, en particulier la vie domestique. 


Les femmes, elles, existent à l’intérieur de cette sphère privée et sont soumises à leur mari par le mariage. Les féministes du 20e siècle imaginaient qu’obtenir une égalité de droits allait résoudre les inégalités, mais ce qu’on constate c’est que malgré une égalité formelle entre hommes et femmes dans de nombreux domaines, l’égalité réelle reste hors de portée. Cela s’explique par les normes de genre, qui continuent à façonner nos comportements et à structurer nos sociétés. « L’intime est politique » insistent les penseuses féministes. Il faut interroger les conditions (y compris matérielles !) qui façonnent les femmes et les conditionnent à la servitude dès l’enfance.


Garcia écrit : « Si on considère que le consentement doit être l’expression d’une autonomie complète pour être un consentement valide, alors il n’existe pas de consentement sexuel valide » (p.198-199). Qu’entend-t-elle par autonomie complète ? Elle fait référence au fait que nous évoluons dans un système inégalitaire et empreint de violences qui façonne les individus. C’est un témoignage que plusieurs femmes lucides dans nos entourages peuvent porter : elles ont eu l’expérience qu’il n’était pas possible pour elle de consentir. L’interaction sexuelle qui se place dans un contexte de domination implique qu’y consentir revient à consentir à ce contexte de domination. « Des désirs ? Je n’en ai pas. Ils ne sont pas miens. Ils sont ce que le système a inoculé en moi » ; « Ce que tu me demandes, c’est de participer à ce script qui m’opprime, et je ne peux pas » ; etc. Le consentement ne peut pas être une transaction entre deux individus autonomes parce qu’il n’y a pas d’égalité. Si le consentement est quelque chose qui peut être obtenu, comme un token d’immunité, cela repose sur une logique de négociation qui invisibilise l’asymétrie entre dominants et dominé·es. 


Pour faire court : plutôt que de réfléchir juridiquement à ce qu’on entend par consentement pour se prémunir de commettre un viol, il faudrait plutôt créer les conditions d’une égalité véritable dans laquelle les femmes, qui se saisissent d’abord comme objet, vont pouvoir développer une subjectivité sexuelle (p.233) : « Il faut reconquérir sa dignité de sujet transcendant et libre tout en assumant sa condition charnelle » (p.234). « C’est aux hommes de créer les conditions du consentement [en traitant et en souhaitant les femmes comme des sujets, et non comme des objets], plutôt qu’aux femmes de consentir ou pas consentir », dit Garcia. La domination masculine repose sur une ignorance active des dominants, qui décident de ne pas voir l’asymétrie de pouvoir. Prendre conscience de l’injustice épistémique permet de se responsabiliser et de redistribuer les cartes des scripts sexuels. 


Il s’agirait d’érotiser l’égalité, plutôt que d’érotiser la domination. Pour aller vers un consentement égalitaire, Garcia propose le modèle de la conversation : construire ensemble un nouveau vocabulaire, apprendre à demander et à se demander ce qu’on veut vraiment, afin de construire des relations authentiques et riches entre êtres pleinement en possession de leur dignité, de leurs désirs. Garcia note que « la domination masculine est un obstacle à l’épanouissement érotique, et encore plus pour les hommes que pour les femmes » (p.235). Elle propose un modèle engageant, beau, dans lequel il y a de la joie et du plaisir. C’est un projet plutôt engageant ;) 


Cette conversation doit se construire aussi en dehors de nos vies intimes car nos désirs ne se construisent pas à l’extérieur des systèmes de domination qui nous traversent. Une alphabétisation sexuelle de la société, qui ne repose pas simplement sur le fait de pouvoir nommer ce qui est ou n’est pas un viol. La tentation est grande de faire appel au droit pour évaluer si une sexualité est morale ou pas. Mais une approche juridique faillit à capturer les intuitions morales que l’on a au sujet du consentement, et ça serait un raccourci malheureux. « Le consentement fournit un outil efficace pour opérer la distinction entre le sexe moralement mauvais et le sexe moralement permissible, et cette distinction est dans une certaine mesure séparable de la question de savoir quelle est la meilleure manière de définir le viol » (p.212-213).


Lors du tour de clôture, à la fin de l’arpentage, un participant a dit : « Le consentement, ça me semblait être un truc pratico-pratique pour se parer du pire. Maintenant, je me rends compte que ça soulève tout un tas de questions. » On recommande le livre de Manon Garcia à quiconque veut explorer l’étendue de ces questions et en sortir avec une conception plus mûre, plus réelle du consentement.



Chantier : Agressions # 1

Une partie des activités qu’on propose répondent à des demandes qui nous sont faites. Depuis le début de La Bonne Poire, on est régulièrement interpellées sur la question des violences sexistes et sexuelles et particulièrement : comment réagir après coup ? Comment se responsabiliser ? Comment réparer ? Quand on combine féminisme et public masculin, on arrive vite à cette intersection. 


Le 26 novembre, nous nous sommes réuni·es au DK avec une vingtaine de participant·es pour ouvrir le (peut-être pas très justement nommé) “Chantier Agressions”. Il s’inscrit dans les suites du cycle “Qu’est ce qu’on fait des agressions ?” initié en 2023 (dont on fait vite fait un compte rendu ici). Là où ce dernier était plutôt constitué d’ateliers qui nous faisaient suivre un fil rouge, des questions qu’on pouvait s’approprier au fur et à mesure mais qui avaient été pré-mâchées en amont, le chantier que l’on a ouvert ici se veut davantage bottom up. On aimerait créer des espaces de partage d’expérience et de recherche collective. L’intention est de rassembler des gens intéressés par le sujet et d’avancer de façon davantage horizontale. Il s’agit d’offrir un soutien aux personnes qui cherchent à prendre une part plus active dans la gestion de conflits et des violences dans leurs collectifs en formant un groupe de travail dans lequel les énergies peuvent être rassemblées et les réflexions partagées. 


Cette première activité s’adressait à deux types de publics : D’une part, des personnes déjà impliquées sur la question de la prise en charge des situations de préjudices (à quelque niveau que ce soit) afin de partager des ressources et d’identifier les besoins. Dans certains cercles, de nombreuses ressources circulent (des zines, des livres, des boîtes à outils, voire des formations) alors qu’ailleurs, on peut se sentir très livré·es à nous-même et désemparé·es. Pour saisir des ressources, il faut encore connaître leur existence. Un des objectifs de ce chantier est de rendre disponible des ressources et de les faire circuler entre collectifs. Le deuxième public visé sont les hommes (impliqués ou non sur ces questions) intéressés par l’idée de s’outiller. Typiquement, les personnes sexisées ont tendance à être plus impliquées dans la prise en charge des violences - ce qui leur permet aussi avec l’expérience de construire une expertise sur le sujet. En organisant ce chantier, on espère créer un espace sécurisant pour que des hommes qui se sentent généralement peu légitimes à s’engager sur ces questions puissent s’outiller davantage. Nous sommes très satisfaites du public qui s’est présenté : sur 23 personnes présentes, il y avait 2 femmes en plus de notre trio et les profils étaient assez bien diversifiés. Plusieurs personnes ont dit qu’elles avaient été surprises de voir qu’on était autant à ce premier rendez-vous, et que cela était soulageant ou leur donnait espoir. 


Nous avons présenté un peu les principes qui sous-tendent le cadre de travail que nous proposons : 

  • un féminisme anti-carcéral ;

  • une approche systémique (c’est-à-dire qu’on n’essentialise pas) ;

  • une vigilance anti-masculiniste (le but n’est pas d’outiller les hommes pour qu’ils maintiennent leur domination ni de donner des cookie d’absolution) ;

  • On se situe du côté de la guérison et de la réparation (on a une approche assez pragmatique et on pense notre action plutôt après-coup, par contraste avec les personnes qui travaillent du côté de la prévention) ;

  • On croit aux processus d’intelligence collective.


Ce dernier point, en lien avec l’idée qu’on ouvrait un espace de travail partagé, signifie notamment que c’est ok de dire des choses pas toujours justes prises individuellement, mais qu’on veut s’autoriser à s’interpeller les un·es et les autres afin de viser une justesse collective. Par exemple, on ne voulait pas essentialiser mais on a quand même beaucoup utilisé le vocabulaire d’agressaire (forme neutre d’agresseur/agresseuse) et de victime, parce que lorsqu’on parlait de situations très schématiques ou abstraites ça semblait plus simple. Mais c’était utile aussi en cours de discussion de se rappeler qu’on parlait de personnes qui avaient commis ou subi une agression, et non de personnes identifiées à ces faits.


Nous avons fait un tour de présentation et ensuite, nous avons travaillé en plus petits groupes pour mettre en commun des situations qui nous travaillaient chacun·e à notre échelle. De ces situations, on a cherché à extraire ce qui compte comme une ressource et ce qu’on peut identifier comme des écueils, des besoins, des choses qui manquent. Il y a ensuite eu un temps de discussion libre en grand groupe. 


Si on reprend la liste de besoins qui ont été identifiés : 

  • besoin de définition de ce que ça veut dire de se reconnaître auteur de violences sexistes ou sexuelles et de ce que cette reconnaissance implique ;

  • besoin de penser la temporalité dans laquelle ces histoires peuvent être traitées, et particulièrement la temporalité dans laquelle il est acceptable d’attendre des actes concrets de l’agressaire ; 

  • besoin d’éduquer son empathie et sa sensibilité pour reconnaître une situation d’agression tout de suite ;

  • besoin de trouver de la justesse ou un équilibre entre soutenir la personne qui veut se responsabiliser et tenter de réparer une situation dans laquelle iel a été agressaire et éviter le sur-accident (parfois la personne veut bien faire mais elle ajoute du tort) ;

  • besoin d’outiller un grand nombre de personnes au sein des groupes/réseaux/communautés afin que chacun·e puisse participer à maintenir l’espace de travail ouvert (parfois les groupes réagissent de façon trop violente ou trop laxiste, et cela cristallise la situation et empêche un travail de responsabilisation et de réparation) ;

  • besoin de penser la structure hiérarchique de certains collectifs par rapport à la question de qui décide d’une éventuelle exclusion ; 

  • besoin de comprendre le continuum de la violence pour réduire le temps de latence, d’inertie entre l’escalade des faits et le moment où l’on réagit ;

  • besoin de mieux prendre en compte nos ressources (humaines, temps, énergie, …) pour gérer ces situations ;

  • besoin de nourrir notre imagination sur ce qu’il est possible de souhaiter ou de demander de la part des victimes; sur ce qu’il est possible de faire pour l’agressaire ;

  • besoin de cas d’écoles, d’exemples, de documentation sur des prises en charge qui ont eu lieu afin de nourrir notre imagination sur ce que peut être un processus souhaitable ; 

  • besoin de mieux définir les rôles entre les personnes qui accompagnent les victimes, qui accompagnent les agressaires et les personnes qui prennent soin des personnes qui prennent soin ;

  • besoin de penser quelles motivations l’agressaire pourrait avoir de s’impliquer dans un processus (souvent, on a l’impression que l’agressaire accepte “parce qu’iel a le sentiment qu’on va lui casser les couilles jusqu’à ce qu’iel fasse un truc”, dans une forme de résignation) ;

  • besoin d’outils pour mieux identifier l’asymétrie entre dominant et dominé ;

  • besoin de savoir comment agir quand une personne s’auto-exclut (et disparaît des espaces) plutôt que d’être confronté·e ;

  • besoin de penser le cas des gens morts : comment obtenir des formes de réparation lorsque les personnes qui sont responsables ne sont plus là ? ;

  • besoin de réflexion sur les oppressions croisées et les vulnérabilités spécifiques (par exemple de personnes sans papiers, de personnes en grande situation de précarité, etc.) ;

  • besoin de penser les liens affectifs qui peuvent nous lier aux agressaires et les situations où on pourrait vouloir ne pas prendre parti ;

  • besoin de penser la perte de sens que peuvent provoquer les situations de violences (par exemple, lorsque la victime pardonne l’agressaire voire se remet en couple avec et que l’entourage se sent contraint de s'aligner sur le choix de la victime) ; 

  • besoin de penser des stratégies pour briser le boys club, la solidarité masculine qui préserve l’impunité ;

  • besoin (pour des dominants) de mieux comprendre ce que vit une victime de violence sexiste et sexuelle ;

  • besoin d’apprendre à nommer des situations, c’est-à-dire qualifier les faits et éviter les extrêmes qui consisteraient, d’une part, à utiliser des euphémismes (du type “il a déconné”) ou, d’autre part, à utiliser des mots qui ne correspondent pas toujours aux situations précises (parler de viol ou d’agression tout le temps, à toutes les sauces) ;

  • besoin de penser les façons dont on peut prendre soin de nous (par exemple en trouvant des espaces de débrief ou de soutien) sans divulguer des informations qu’on ne peut pas divulguer ; 

  • besoin de pouvoir imaginer des objectifs pour entamer un processus (on ne va pas pouvoir rétablir la situation à avant que les violences ne soient produites, c’est impossible, alors qu’est-ce qu’on vise ?) ;

  • besoin de lucidité sur soi-même et les situations dans lesquelles on a pu ne pas être irréprochable soi-même, afin de ne pas tracer une ligne entre les gens bien et les gens mauvais (abandonner les idées manichéennes) ; 

  • besoin de s’informer sur ce qui existe du côté judiciaire ou des prises en charge institutionnelles (peut-être que les réseaux officiels sont mieux formés et nous on joue aux apprentis sorciers ?) ;

  • besoin de personnes de contact ou personnes ressources qui connaissent à la fois le milieu des institutions et les milieux militants pour nous aiguiller ;

  • besoin de davantage de reconnaissance pour les personnes qui ont développé des compétences ou une expertise pour accompagner des individus ou des groupes sur ce genre de situations (où les trouver ? Comment les rémunérer ?).


Pfiou, voilà une longue liste ! Mais puisque l’objectif de l’activité était de pouvoir dresser une telle liste des besoins, on s’est dit que c‘était intéressant de la retranscrire intégralement. Nous allons aussi sur notre site web centraliser des ressources (quelques-unes sont déjà disponibles à la fin de cette newsletter). N’hésitez pas à nous envoyer les références que vous trouvez pertinentes sur le sujet, que ça soient des zines, des boîtes à outils, des contacts, des formations, etc. 


De notre point de vue, cette activité était un peu plus scolaire que d’habitude. C’était pour nous une étape nécessaire pour comprendre où étaient les besoins et comment on pouvait éventuellement tenter d’y répondre. Les retours en fin de soirée étaient assez positifs : même si plusieurs personnes mentionnaient de la frustration liée à leur envie de déjà être à l’étape suivante ou de recevoir des savoirs de façon top down, elles reconnaissaient aussi généralement que c’était nécessaire de passer par là et que l’activité avait réussi à traiter le sujet de façon « digeste, exhaustive et pertinente ». Quelqu’un disait être « agréablement surpris, malgré le fait que le sujet était hyper lourd, d’avoir pu vivre cette soirée avec légèreté et douceur ». 




# Nos prochains événements

La mensuelle de décembre : Nos familles patriarcales

Ah, bientôt les fêtes ! Beaucoup d’entre nous vont se retrouver en famille. Et si on prenait une paire de lunettes féministe pour regarder les dynamiques patriarcales au sein de nos familles ? Qu’est-ce que ça révèle ? Quelles stratégies adoptons-nous vis-à-vis de nos familles patriarcales ? Qu’est-ce qu’on garde et qu’est-ce qu’on laisse ? Quels rôles jouent les masculinités au sein des familles ?


On vous invite à parler de tout ça à la prochaine mensuelle :)


Si tu ne sais pas encore ce qu’est une mensuelle et que tu veux en savoir plus sur ce format, c’est par ici.


Infos pratiques

  • Quand ? Le mardi 10 décembre 2024

  • Ouverture des portes à 18h30, début de l’activité à 19h et fermeture à 22h.

  • Où ? À  La Vieille Chéchette (2 rue du Monténégro - 1060 Saint-Gilles)

  • ​​Pour qui ? Nous espérons que cette activité touche principalement des hommes. Si tu es intéressé·e et que tu n'es pas un homme, tu es lae bienvenu·e ! Mais c'est encore mieux si tu viens accompagné·e :) 

  • Le nombre de places est limité : inscription via ce formulaire.

  • Prix libre et conscient

  • Événement Facebook 



Chantier : Agressions # 2

[Cette description d’événement est plus longue que d’habitude : si celui-ci vous intéresse, il est important de la lire intégralement].


Dans ce deuxième rendez-vous chantier, on prendra le temps de lire, se laisser interpeller par des textes et d’en discuter ensemble dans une ambiance conviviale. Partant d’une série de questions identifiées lors de la première soirée, nous proposerons des ressources (zines, extraits d’ouvrages) et du temps pour se les approprier, toujours dans un aller retour entre savoirs froids et savoirs chauds ; lire à plusieurs permet d’emmagasiner du savoir au même moment qu’on s’interroge, qu’on partage des réflexions, qu’on parle de nos vécus. Voyez ce format comme un hybride entre une mensuelle et un arpentage : le point central de la soirée, ce sont des discussions par tables qui s'attèlent chacunes à des sujets différents, on creuse, on échange, sauf qu’ici des zines et quelques textes plutôt courts s’invitent dans la discussion. L’occasion d’étendre son horizon et de se nourrir de récits qui ont été consignés par écrit dans le but précis de servir d’outil plus loin. 


Objectifs : 

  • s’éduquer entre pair·es sur des questions complexes (partage de savoirs) ;

  • soutenir et apporter des ressources aux personnes qui cherchent à prendre une part active dans la gestion de conflits et la prise en charge de préjudices ;

  • former un groupe de travail pour rassembler les énergies qui sont déployées dans des espaces différents. 


On cherche à créer un groupe de travail pour mettre en commun nos bonnes pratiques et nos points d’attention pour mieux appréhender les situations futures !


Nous n’ambitionnons pas de résoudre quoi que ce soit ni d’apporter des solutions toutes faites, mais bien de créer des espaces d’éducation, de réflexions, d’échanges, de travail collectif sur cette question devenue sujet de société.


Pour qui ? 

  • Les activités de La Bonne Poire visent un public principalement masculin. Si tu n’es pas un homme mais que ça t’intéresse, tu es lae bienvenu·e ! Mais c’est encore mieux si tu viens accompagné·e 🙂

  • Plus précisément les activités autour du thème des agressions visent à donner de la visibilité à tout un travail de gestion de conflit, de prise en charge de préjudices et souvent de gestion de crise qui est réalisé dans des collectifs. On aimerait convier particulièrement les personnes qui : 

  • se sont déjà impliquées et recherchent de la mise en commun et des ressources,

  • ne se sont jamais impliquées parce qu’elles ne sauraient pas quoi faire ou auraient peur de mal faire et ont besoin de se former.


Typiquement, les personnes sexisées ont tendance à être plus impliquées dans la prise en charge des violences sexuelles. On aimerait les inviter à venir avec une autre personne de leur cercle, afin de partager l’expérience, l’attention et le travail que cela représente. 


Attention : il s’agit d’un espace de réflexion et de formation et non d’un espace de médiation victime-agresseur ou de justice réparatrice. Si vous êtes directement concerné·es présentement par une histoire d’agression ou de violence sexuelle et que vous cherchez du soutien, ceci n’est pas un endroit adapté.


Infos pratiques

  • Quand ? Le mercredi 18 décembre 2024

  • Ouverture des portes à 18h30, début de l’activité à 19h et fermeture à 22h.

  • Où ? Au DK (70b rue de Danemark - 1060 Saint-Gilles)

  • ​​Le nombre de places est limité : inscription via ce formulaire.

  • Prix libre et conscient

  • Événement Facebook 




# Recommandations

Suite à la mensuelle sur la honte


Quelques extraits qui nous ont fait réfléchir à propos de la honte :


« La honte est, me semble-t-il, un sentiment associé à l’appartenance à un groupe minoritaire, au sens politique du terme. Bien évidemment, la honte ne naît pas de nulle part, mais des influences directes ou indirectes que nous subissons. Un homosexuel ne se lève pas un matin en ayant honte de l’être ; s’il a honte de ce qu’il est, ce n’est pas de son fait mais de l’homophobie structurelle, directe ou indirecte qu’il subit. [...] Une victime de violences sexuelles peut ressentir un sentiment de honte parce qu’elle a été élevée dans une société empreinte de sexisme et de culture du viol. La honte n’est donc pas pour moi à proprement parler dans le camp des victimes mais plutôt un sentiment extérieur à elle, qui vient s’imposer. [...]

La honte doit être comprise comme un outil politique pour faire taire les minorités. On vous discrimine en vous expliquant que c’est de votre faute si vous l’êtes. Et pendant que vous êtes tout entier à vous culpabiliser, à vous modifier [...] vous n’avez plus le temps, ni la place de réfléchir à l’injustice de ce que vous avez subi.

[...] Comme je le disais, la honte est pour moi un sentiment lié à l’appartenance à un groupe minoritaire. Il ne peut donc pas être transmis ou s’appliquer au groupe majoritaire celui qui détient les pouvoirs parce que la détention même du pouvoir empêche l’expression de la honte. »


« Pourtant, il reste très difficile pour les hommes d’admettre simplement que nous baignons dans un système patriarcal qui a rendu possible, aisé et sans conséquences des comportements de prédation envers les femmes. Et que même avec les meilleures intentions, il reste possible qu’ils confondent un comportement amical, embarrassant ou prédateur, le flirt et la contrainte. Néanmoins, pour que ce doute de l’homme vis-à-vis de ses propres comportements puisse opérer, il faut parvenir à s’extraire de toute une culture du développement personnel, qui s’est développée parallèlement au mouvement #MeToo, et qui invite à « être soi en toute circonstance », à « nettoyer son énergie du sentiment de la honte », à « s’affranchir du doute dans ses paroles et ses actions ». Il est sans doute douloureux mais essentiel de parvenir à reconnaître que dans un monde patriarcal, il est beaucoup plus probable que les hommes aient dominé, blessé, usé de leur pouvoir plutôt qu’ils aient été irréprochables. Sans ce doute, la réparation est impossible.

En effet, reconnaître une part de responsabilité dans les relations de pouvoir peut faire naître un sentiment de honte. Alors que la honte est largement considérée comme une émotion « négative », les théoriciennes féministes, postcoloniales et queers ont exploré son potentiel de transformation. L’auteure australienne Elspeth Probyn soutient ainsi qu’il faudrait « utiliser la honte pour réévaluer la façon dont nous nous positionnons par rapport au passé et repenser la façon dont nous souhaitons vivre à proximité des autres ». La honte, quand elle est acceptée, peut être le point de départ d’une transformation affective. »


  • Dans une émission radio de France Culture qu’on ne vous recommande pas, la pensée de Camille Froidevaux-Metterie a été salvatrice pour nos oreilles : 

« Avoir honte, d’abord, c’est pas honteux, si je peux me permettre cette pirouette. Avoir honte, c’est justement avoir une forme d’honnêteté ou de bonne volonté, manifester une forme de bonne volonté et se déclarer en quelque sorte prêt à essayer de comprendre ce dont nous parlons. Quand je dis que tous les hommes devraient avoir honte, je veux dire par là que tous les hommes devraient faire cet effort de comprendre ce que nous entendons par “emprise”, par “continuum des violences”, par “état de sidération”, etc. Et essayer de saisir aussi par quels mécanismes la culture du viol se perpétue, les représentations parfois très quotidiennes qui encourageant et qui nourrissent ces mentalités prédatrices. »


« La honte est un outil normatif puisqu’elle incite au respect des normes. [...] Bien que cette émotion soit universelle (tout le monde peut la ressentir), sa répartition n’est pas égalitaire. Certaines personnes, notamment issues de minorités sociologiques, sont plus à même de l’éprouver (femmes, minorités de genres, personnes grosses, personnes handicapées, etc.).

Relevons toutefois que le processus en soi d’apprentissage et d’utilisation de la honte peut être sain et utile lorsqu’il apprend par exemple à un·e enfant de respecter ses limites ou celles des autres. Mais, là où le bât blesse c’est lorsqu’il mène à décourager toutes expressions ou identités qui s’écartent des normes socialement admises. »



Suite à l'arpentage



Suite au chantier


On ajoutera au fur et à mesure tout un tas d’autres ressources en lien avec le chantier sur notre site, stay tuned ! 


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