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Newsletter #19



Ce n’est pas un hasard de calendrier : en février, on vous parlait d’amour


L’amour, ce drôle de truc qui fait couler de l’encre, ce truc qui fait peur autant qu’il nous réjouit, ce terreau de nos espoirs et de nos souffrances. L'amour, cette construction sociale dans laquelle sentiments et normes se mélangent à n’en plus savoir ce qui nous habite réellement. Et puis l’amour, cet espace de validation, de violence et de concurrence. 


Pour nous orienter dans ce thème, nous avons travaillé autour de deux pièces de théâtre : l’une suit une lignée de femmes dans la grande Histoire, l’autre l’intimité étouffante d’un couple, d’un noyau familial qu’une violence patriarcale fait exploser. Lors de la mensuelle, nous avons abordé des questions autant réjouissantes que vertigineuses. On vous en dit plus dans cette newsletter :) 


Au programme : 

  • Retour sur nos évènements de février

  • Annonce de la mensuelle de mars

  • Le 8 mars

  • Des recommandations !



# Retour sur les événements de février

Différentes générations d'amour : causerie autour de la pièce "...Comme un poisson sans bicyclette" au théâtre Océan Nord

Le jeudi 8 février, nous avons eu la chance de travailler avec les médiateur·ices culturel·les du théâtre Océan Nord. Iels nous ont fait confiance, donné carte blanche pour faire quelque chose avant la pièce. Un grand local, une dizaine de personnes, du thé et du café, une heure pour ouvrir l’appétit des participant·e·s sans spoiler la pièce.


Notre discussion tournait autour de la question : “Savez-vous comment vos parents, grands-parents, arrière-grands-parents se sont aimés ?” L’occasion d’échanger nos histoires familiales, parfois intimes, parfois mystérieuses, parfois des patchworks de récits concurrents, parfois sources de fiertés ou de blessures, parfois marquées par la grande Histoire et ses grands mouvements. De nos récits intimes et familiaux ont émergé plusieurs voies d’interrogations : l’amour est-il toujours le produit d’un contexte ? Pourquoi les mythologies des amours de nos aîné·es se matérialisent souvent autour du récit de leur rencontre ? Y avait-il de l’amour dans les couples qu’ont formé nos aïeux·les ? Est-ce que c’est le même type d’amour que ce que nous, nous vivons aujourd’hui ? Et puis, comment leurs histoires nous interrogent nous, dans nos choix de vie ? En quoi serait-il important de savoir d’où on vient ; et puis en quoi les questions ou les choix que l’on peut poser aujourd’hui peuvent interpeller, mettre en difficulté ou blesser les générations qui nous précèdent ? Quelle place prennent les besoins matériels dans le choix de l’amour ? 


Il y a les histoires d’amour et il y a les histoires de vie” aurait dit Esther Perel (rapportée par un participant). On ne sait pas toujours dans quelle mesure on peut parler d’amour, mais parfois, on peut en tout cas dire que ce que des couples ont vécu ensemble a créé beaucoup de tendresse. 


La pièce “...Comme un poisson sans bicyclette” a fait suite à nos discussions dans une justesse et avec une générosité à l’égard de son public que nous ne pouvons qu’applaudir. Merci à Virginie Thirion ainsi qu’aux comédien·nes pour la pièce, au théâtre Océan Nord pour la confiance et l’accueil ainsi qu’aux participant·es pour leur présence et leurs partages.


La mensuelle "Les hommes, la masculinité et l'amour"

Pour la deuxième année d’affilée, la mensuelle de février ramène beaucoup de convives. Le thème : l’amour. Ici formulé sous la question : “comment aime-t-on quand on est un homme?”. Nous étions plus de 30 – c’est trop, c’était très chouette de voir l’enthousiasme soudain provoqué par ce thème mais vraiment, on vous promet, les autres thèmes de mensuelles sont très bien aussi !


L’amour en couple, l’amour avec un grand A, mais aussi l’amour (parfois avec un grand A aussi) qui nous unit à nos ami·es, à nos familles ; et puis, l’amour de soi ! L’amour entre hommes, l’amour dans une relation hétéro, l’amour dans un cadre patriarcal. L’amour comme lieu de conflits puis l’amour comme lieu de violence. L’amour comme un travail et l’amour comme un art. Il y a ce qui n’est en fait pas de l’amour alors qu’on a cru longtemps que c’en était. Les amours passions, les amours tourbillons, les amours montagne-russes et les amours légers ou solides, les amours timides ou inavoués. Les amours qui assujettissent et les amours qui émancipent. Les amours spontanées et les amours qui se négocient. Ce qui est sûr, c’est que l’amour est un sujet riche qui fait parler !


Comment peut-on être en connexion avec son·sa partenaire quand on n’est parfois pas connecté·e à soi ? Comment en tant qu’homme peut-on avoir conscience de la souffrance qu’on inflige aux gens qu’on aime ? Comment peut-il exister de l’amour si les femmes (et les personnes sexisées) ont peur des hommes et si les hommes sont socialisés (à différents degrés) à haïr ou mépriser les femmes ? C’est ce que le paradoxe de la misogynie (selon Jane Ward) met en évidence, à savoir que les hommes sont éduqués à mépriser les femmes avant d’être enjoints à les désirer et les aimer. Cette association entre hétérosexualité et misogynie a été si bien naturalisée que, symétriquement, l'absence de machisme est interprétée comme un signe d'homosexualité. Mais au fond, quel intérêt les hommes pourraient-ils avoir à changer – entendre : à ne pas être complices du système qui exploite les femmes et leur travail ? 


On a parlé d’amour de soi, aussi. Il peut arriver qu’on ait une estime de soi-même si pauvre que l’on investit excessivement l’autre pour l’empêcher de venir voir ce qui se passe à l’intérieur de nous. On peut performer le nice guy mais l’autre sent bien que quelque part c’est faux, qu’on se cache. Pour qu’il y ait de l’amour, ne faut-il pas être vrai ? 

Sur une des tables, une grande discussion a émergé suite au partage d’une situation (manifestement assez commune) : “Ma copine a toujours été très engagée, militante sur de nombreux sujets, et moi pas. J’étais (je suis ?) à des années lumières ! À ses yeux, je reflète (reflétais ?) le système.” Devoir faire attention à ses réactions quand on regarde un film, fliquer ses moindres faits et gestes parce qu’on ne sait jamais ce qui nous vaudra d’être incendié, filtrer ses opinions parce qu’on sent bien que sinon on devra gérer la déception ou la critique de notre partenaire. Les hommes peuvent parfois se retrouver à créer un personnage un peu lisse derrière lequel se cacher, parce qu’ils ont honte ou ont perdu espoir dans la possibilité d’être acceptés tels qu’ils sont, ou dans la possibilité d’apprendre, de s’améliorer. Mais l’amour, n’est-ce pas un lieu dans lequel être vulnérable ? Comment aimer et être aimé si on se cache, si on a peur de l’autre ? “Non et puis elle, elle a vécu des traumas. Je comprends qu’elle réagisse au quart de tour : chez elle il y a quelque chose qui se réactive tout de suite du fait de m’associer au système qui l’opprime. Moi je suis pas vraiment en danger, j’essaie juste de garder la face.” 

Et si le filtre de nice guy derrière lequel on se cache, on pouvait le nommer “privilège” ? Et si sa rage était thérapeutique ? Et si l’amour était un espace de rencontre authentique, dans lequel les deux pourraient être transformés ? Un espace dans lequel il n’y aurait pas de honte - de l’inconfort, oui, du conflit, parfois, mais aussi des chances de s’exprimer vraiment, de voir et d’être vu·e, et puis d’évoluer ensemble ? Aimer pour vivre quelque chose ensemble, et pas pour rechercher de la validation ?


Pourrait-on réinventer les imaginaires carencés, les constructions sociales entravantes du couple comme un goulot étroit, une unique voie à emprunter ? Comment désamorcer au sein de nos relations la compétition, le poison qui envenime la possibilité même de se rencontrer ? Comment s’accompagner dans nos failles et vulnérabilités ? 

Je ne sais pas si j’ai beaucoup parlé d’amour, ce soir, mais j’ai senti beaucoup d’amour dans les échanges” disait quelqu’un en conclusion. C’était une belle mensuelle, qui malgré notre grand nombre, a permis d’avoir tout un ensemble de conversations qui sont très exactement celles que l’on recherche aux mensuelles La Bonne Poire ! Ôde aux copines et ex-copines pour le travail qu’elles fournissent dans leur couple ; et on se revoit le mois prochain !


Bord de scène après la pièce "Girls and Boys" au théâtre des Martyrs

Le dimanche 18 février, c’est au théâtre des Martyrs que nous avons échangé sur l’amour, le couple et surtout les violences intra-familiales. 


La pièce commence dans une file Easy Jet, une rencontre entre un homme et une femme, une histoire dans laquelle la violence s’installe petit à petit et dans laquelle nous pouvons a priori toustes nous reconnaître, jusqu’à ce que… Ce seule-en-scène finit sur cette réflexion : “On dit que la société est faite par et pour les hommes. Moi je crois que ce n'est pas vrai : la société est faite pour les contenir.


Le souffle court, le temps que l’émotion redescende, nous voilà sur le bord de la scène à discuter de nos ressentis, interpellations et réflexions. Le premier point qui a été soulevé est celui de l’objectification : par quel procédé l’autre devient-il (ou plutôt : elle) petit à petit une chose à posséder - qui ne s’appartient plus tout à fait à soi-même ? Un faire-valoir, une extension de son identité à soi, un lieu de contrôle.


Un deuxième point : la normalisation de la violence masculine. Comment le patriarcat dresse les hommes à gérer leurs frustrations par la colère et la violence. À force d’être banalisée, cette violence devient presque invisible, contrairement à celle exercée par des femmes. En effet, une femme violente aura plus de chances de faire la une des journaux et même de devenir le personnage exceptionnel d’un film quand un homme violent peut revenir peinard sur le devant de la scène (#Bertrand ; voir à ce sujet le compte “Préparez-vous pour la bagarre”). Il semblerait que nous baignons dans une société dans laquelle la logique tend à dire que les femmes ne sont pas violentes quand chez les hommes, c’est “naturel” (ils ont quand même dû chasser des mammouths, hein 🙄) autrement dit, on tend à essentialiser, naturaliser la violence, plutôt que de la questionner, la critiquer, la transformer. Coline Cardi et Geneviève Pruvost ont d’ailleurs écrit un livre à ce sujet: Penser la violence des femmes


Nous avons aussi échangé sur la réussite sociale des femmes et la manière dont le couple hétérosexuel peut y survivre (ou pas). Le couple hétéronormé semble être un espace de compétition dans lequel la femme est autorisée à réussir seulement à la condition qu’elle ne “dépasse” l’homme. Un petit exemple en passant, celui des algorithmes, notamment sur Tinder : il a été montré que les femmes se voient davantage proposer des hommes plus diplômés et inversement, supposant par là qu’il y aurait alors plus de probabilités de matcher. 


Pour conclure, on aimerait vous partager un concept qui nous semble pertinent pour analyser ce cycle de la violence. Il s’agit du continuum féminicidaire, forgé par l’historienne Christelle Taraud, en s’appuyant sur une multitude de travaux de chercheureuses. Le continuum féminicidaire ne concerne pas forcément le féminicide – et la pièce de théâtre qu’on a vue non plus d’ailleurs. Il éclaire toutes les violences faites aux femmes, de la naissance à la mort, des plus évidentes au moins évidentes, des violences physiques aux violences épistémiques, historiographiques, linguistiques, etc. C’est l’outil maximal qui permet de penser toute une série de violences n’avaient jamais été pensées ensemble et d'établir un lien entre elles de façon non hiérarchique : c’est précisément en cela qu’il est intéressant. Pour Christelle Taraud, imaginer qu’il existe des violences acceptables et d’autres inacceptables participe au processus d’écrasement des femmes. C’est parce qu’on pense qu’il y a des violences acceptables, tolérables, banales qu’in fine on parvient à l’irréparable (pour ne pas spoiler la pièce).  Et c’est ce que Girls and Boys montre. Au début, on s’amuse du “caractère” de l’homme que la personnage principal rencontre, de son bagout, de son charisme, de sa jalousie. Plus l’histoire avance, plus on comprend que ces “petits sauts d’humeur” ne sont pas si anecdotiques que ça et qu’il s’agit bien de violence.



# La mensuelle de mars : "Sexualité(s) : la pornographie"

Après une première mensuelle, en janvier, consacrée à nos sexualités, on vous propose de poursuivre ce thème via le prisme de la pornographie.


La pornographie a-t-elle été notre première source d’éducation sexuelle ? Comment a-t-elle construit notre rapport à la sexualité ? Et quelle place occupe-t-elle aujourd’hui dans nos vies intimes ? De quelles manières dessine-t-elle nos fantasmes et nos désirs ? Comment configure-t-elle nos pratiques ? Et quels liens entretient-elle avec la masculinité ? 


C’est quoi une mensuelle ? L’idée de la mensuelle, c’est que ça soit un espace convivial, intimiste et sécurisant pour permettre de se rencontrer, d’échanger nos vécus, nos idées, d’accueillir et de réfléchir, de se mettre au travail ensemble pour se libérer de ce que le patriarcat essaie d’imposer comme étant normal (ou pas) afin d’imaginer et d’investir un monde plus juste et plus joyeux.

Les mensuelles sont également des espaces où rencontrer d’autres hommes qui sont dans une démarche anti-patriarcale, pour faire connaissance, pour rencontrer des compagnons de route, pour se sentir moins seul dans sa démarche.

La qualité des échanges qui ont lieu ici dépend en grande partie de ce qu’on investit dedans. Les mensuelles sont l’occasion d’investir un travail de conversation. Comme dans un sport de ballon – ou au frisbee – la fluidité des échanges dépend de l’attention que chacun peut déployer, de sa présence, du positionnement les un·es par rapport aux autres. Soyez généreux·ses et soyez attentif·ves : avez-vous besoin de prendre du recul ? De digérer ce qui vient d’être dit ? La personne en face de vous a-t-elle besoin d’écoute, de soutien, d’une question pour l’aider à clarifier son propos ? La conversation est un art coopératif.


Infos pratiques

  • Le mardi 12 mars 2024

  • Ouverture des portes à 18h30, début de l’activité à 19h et fermeture à 22h.

  • À La Vieille Chéchette (2 rue du Monténégro - 1060 Saint-Gilles)

  • ​​Pour qui ? Nous espérons que cette activité touche principalement des hommes. Si tu es intéressé·e et que tu n'es pas un homme, tu es lae bienvenu·e ! Mais c'est encore mieux si tu viens accompagné·e :) 

  • Le nombre de places est limité. Inscription souhaitée via ce formulaire

  • Prix libre et conscient

  • Événement Facebook 



# Le 8 mars

Le 8 mars, c’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes


Pour mieux comprendre l’histoire de cette journée de grève et de lutte ainsi que ses enjeux actuels, on vous a regroupé quelques ressources à lire : 


Et si vous vous demandez comment agir le 8 mars quand on est un homme, voici aussi quelques ressources : 

  • Les 9 commandements des hommes alliés à la grève du 8 mars.

  • Pour rejoindre un groupe local du collecti.e.f 8 maars : c’est par ici.

  • Sur son site, le collecti.e.f 8 maars propose quelques actions pour les hommes qui veulent soutenir la grève : “Les hommes peuvent aussi nous soutenir pour nous permettre de participer aux actions: en nous remplaçant au boulot dans nos tours de garde ; en s’occupant des gosses, de la bouffe et du ménage ; en partageant leurs notes si des cours sont maintenus ; en expliquant autour d’eux le sens de cette grève pour gagner du soutien.” 


Enfin, pour laisser la visibilité des actions du 8 mars aux personnes organisatrices de ces événements, il est possible d’agir le jour qui suit, le samedi 9 mars. On relaie ce rassemblement qui est en cours de préparation, n’hésitez pas à vous y joindre ou à contacter Louis (avec parcimonie, au 0470.24.42.64) pour plus d’infos ! 


# Recommandations

Comme tous les mois, on vous recommande des ressources pour aller plus loin. On les a classées par sous-thématiques pour que ce soit plus facile de s’y retrouver. Sauf une, inclassable : le livre À propos d’amour de bell hooks (Éditions Divergences, 2022).


Les coûts de l’hétérosexualité et des perspectives de sortie : 


La socialisation masculine à l’amour :


Le “marché amoureux” et la modernité : 


À propos du “continuum féminicidaire” : 


Au sujet de l’emprise et de la manipulation dans les relations amoureuses : 






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